Etude de cas

Par Bruno Poellhuber

Remerciements à Nouara Mouroud, Asmaâ Najah, Samuel Delvaux, Valerie Vachon, Justin Ngoya, Rahima Makhlouf, Michel Lalancette, Arianne Trudeau, Audrey Caissy, Julien Archambault, Charles Fortin, Jorge Negretti pour leurs travaux dans le cadre du cours PPA6015

 

A. Autres appellations

Méthode des cas, case study, case method, case system

 

B. Origine historique

L’étude de cas (terme aussi utilisé en recherche) ou méthode des cas est une formule pédagogique collaborative, interactive et centrée sur l’apprenant, qui trouve son origine au 19e siècle dans l’enseignement du droit et qui a été popularisée dans le domaine de l’administration.  Son utilité s’est cependant avérée dans toutes les disciplines parce qu’elle permet de faire des liens entre la théorie et la pratique et de résoudre des problèmes propres à la discipline. Il s’agit d’une « proposition, à un petit groupe, d’un problème réel ou fictif en vue de poser un diagnostic, de proposer des solutions et de déduire des règles ou des principes applicables à des cas similaires » (Chamberland et al., 1995). Elle part « d’une situation concrète ou réaliste qui relate un incident ou raconte l’évolution d’un événement dans le temps » (Muchielli, 2969, dans Ménard, 2015, p. 110). Un cas est en quelque sorte un problème à résoudre, un problème complexe et flou (voir la fiche sur la résolution de problèmes), pour lequel plusieurs solutions peuvent être bonnes. L’étude de cas place les apprenants dans des situations-problèmes authentiques où ils devront « poser un diagnostic, [...] proposer des solutions et [...] déduire des règles ou des principes applicables à des cas similaires » (Chamberland, Lavois, Marquis, 1995, p. 91). 

 

C. Description

L’étude de cas comprend quatre ou cinq grandes étapes. La première est une analyse individuelle qui amène l’étudiant à se renseigner et à se questionner sur les problématiques, afin de prendre position par rapport à la situation à résoudre. La deuxième consiste en une discussion de groupe qui permet l’analyse critique de la situation par la confrontation des solutions individuelles proposées, la reformulation, et enfin, la construction d’une solution commune. La troisième est la séance plénière, où l’on dégage la solution commune en confrontant les solutions choisies par les équipes. La quatrième étape vise le transfert des apprentissages. Enfin, certains suggèrent une dernière  étape optionnelle, celle d’un retour métacognitif et d’un retour sur le fonctionnement des équipes.

L’analyse du cas peut être précédée d’une phase d’enseignement ou de la consultation de ressources théoriques de façon autonome. Le déroulement de l’activité est basé sur la succession d’étapes de travail individuel, en petit groupe et en grand groupe. La démarche d’analyse et de résolution du cas est tout aussi importante que la ou les solutions apportées.

Types de cas

Selon Mucchielli (1972), un cas devrait idéalement présenter les caractéristiques suivantes :

                  1.  Être authentique.

                  2.  Être unique (un seul cas).

                  3.  Faire appel à un diagnostic ou à une prise de décision.

                  3.  Être adapté aux capacités d’analyse des élèves.

                  4.  Être rédigé sobrement et de manière vivante.

Le cas soumis aux apprenants doit être concret et, s’il est fictif, tout à fait réaliste afin de susciter l’intérêt de l’analyser. Selon Ménard (2014), on peut identifier 5 types de cas :

  • Le cas analyse. Ce type de cas est de nature complexe et n’implique pas une prise de décision tranchée (p. ex : une question éthique qui mérite d’être examinée sous différentes facettes).
  • Le cas décision. Il est demandé de prendre la meilleure décision possible, compte tenu de l’analyse de la situation et des données connues.
  • L’incident critique. Il s’agit là de prendre une décision dans l’urgence, même avec une connaissance partielle des données théoriques. Ce type de cas peut être utilisé en préalable à un enseignement théorique afin de faire émerger les connaissances antérieures et les représentations.
  • Selon la complétude des données (ou le cas incomplet). Ce type de cas est volontairement incomplet de manière à conduire les apprenants à définir les données manquantes pour parvenir à une solution juste.
  • Le cas séquentiel ou chronologique. Ce type de cas est présenté progressivement afin de conduire les apprenants à réviser leurs solutions au fur et à mesure de l’introduction d’éléments nouveaux.

Déroulement de l’activité

L’étude de cas peut porter sur une ou plusieurs séances. Selon Muchielli, l’activité devrait s’échelonner sur plusieurs semaines à raison d’une durée de 3-4 h/sem, tout dépendant de la complexité du cas présenté. L’enseignant rédige le cas en fonction des objectifs d’apprentissage visés. La préparation du cas représente un enjeu d’une importance très grande, puisque le succès de l’activité en dépend grandement.  

Phase n°1 : présentation du cas en classe pour en établir le contexte, l’intérêt et la pertinence

En contextualisant le cas, l’enseignant s’assure de fournir aux apprenants des leviers de motivation pour s’impliquer dans l’analyse et la recherche de solutions. 

Phase n°2 : lecture et première analyse individuelle du cas

Chaque apprenant étudie le cas à son propre rythme et en fait une analyse basée sur ses propres savoirs et sa propre compréhension de la situation. 

Phase n°3 : analyse approfondie du cas en petits groupes

La confrontation des compréhensions et analyses individuelles suscite des débats qui permettent d’approfondir l’analyse et de définir, le cas échéant, les données manquantes ou les connaissances à acquérir. Chaque membre du groupe communique les renseignements qu’il a recueillis et le groupe cherche à poser un diagnostic et à prendre une décision.

Phase n°4 : présentation des résultats en grand groupe, évaluation et transfert

La présentation des résultats peut se faire individuellement ou par équipes, oralement ou par écrit, selon les intentions pédagogiques de l’enseignant. L’évaluation peut être sommative ou formative. Par ses questions et commentaires, l’enseignant veille à ce que les apprenants prennent conscience de la transférabilité de ce qu’ils ont appris à d’autres situations.

Phase n°5 (optionnelle) : retour métacognitif et retour sur le fonctionnement de l’équipe

Comme dans l’approche par projet, plusieurs jugent utile d’ajouter une phase de rétroaction. C’est l’occasion de faire un retour sur le fonctionnement du groupe, d’une part, mais aussi un retour sur les stratégies qui ont été déployées par les uns et les autres lors des différentes étapes de la résolution du problème.  Un retour en grand groupe peut aussi être effectué.  

Rôle de l’enseignant, rôle des apprenants

La méthode de l’étude de cas demande une participation active des apprenants. Ils doivent réfléchir par eux-mêmes et communiquer de manière assertive avec les autres. L’enseignant doit préparer un cas réaliste et rédigé de manière très précise. Pendant l’activité, il joue un rôle de guide et d’animateur dans le cheminement et les échanges. Il doit veiller à la participation de chacun. Selon le niveau des apprenants, son accompagnement est plus ou moins directif. Cependant, il doit généralement veiller à être aussi peu directif que possible en ce qui a trait au contenu des échanges et aux discussions menant à la prise de décision.

 

D. Liens avec les théories de l’apprentissage

La méthode des cas s’inscrit dans le courant socioconstructiviste. En effet, en travaillant avec cette méthode, l’étudiant est très actif dans la construction de ses connaissances. Il doit faire appel à ses connaissances antérieures et les combiner avec ses connaissances nouvellement acquises. Le dialogue avec ses pairs, par l’échange, la confrontation ou l’argumentation, contribue à l’apprentissage. L’enseignant, quant à lui, dirige et oriente les propos du travail. L’étude de cas se démarque par le degré élevé d’authenticité découlant de l’analyse de situations réelles qui peuvent faire le pont avec la réalité professionnelle.

 

E. Ressemblances et différences avec des méthodes apparentées

La méthode des cas est similaire à plusieurs formules pédagogiques où l'étudiant partage le contrôle de l'apprentissage avec l'enseignant, telles que le travail d'équipe, les groupes de discussion, le débat et l'apprentissage par les pairs. Cependant, elle se démarque de ces autres méthodes par un déroulement plus structuré. Les cas étudiés sont plus authentiques et les étudiants sont amenés à utiliser une approche d'analyse critique qui encourage toutes les pistes de solutions possibles. L’étude de cas est fréquemment fondée non seulement sur des problèmes authentiques, mais sur des cas réels et bien documentés rencontrés dans le domaine de l’administration, mais aussi dans d’autres secteurs.

 

F. Avantages  et limites

Avantages

Pour l’étudiant

  • Favorise une meilleure application des concepts théoriques vus en classe.
  • Motive (forte implication dans la situation d’apprentissage) et permet d’apprécier davantage la théorie liée au cas.
  • Amène la confrontation d’idées, ce qui favorise l’ouverture d’esprit et le respect des opinions des autres.
  • Aide à aborder objectivement (par les faits) plutôt que subjectivement (préjugés) un problème exposé.
  • Améliore les capacités d’expression, de communication entre les pairs et avec l’enseignant.
  • Favorise le développement de la capacité à résoudre les problèmes.
  • Développe la capacité à raisonner de façon critique et créative.
  • Développe les capacités d’analyse, de synthèse et de critique.
  • Permet une intégration des connaissances, qui pourront être transférées sur le marché du travail.

Pour l’enseignant

  • Représente une excellente méthode d’intégration des apprentissages.
  • Favorise sa réflexion sur sa pratique et son analyse de celle-ci.
  • Favorise l’implication de l’apprenant : l’enseignant est à la fois tuteur, superviseur et guide.

Limites

Pour l’étudiant

  • Ne permet pas de vérifier dans l’action les conséquences des solutions qu’il a proposées et des décisions qu’il a prises à la suite de son analyse du cas.
  • Peut escamoter les facteurs émotifs au profit des facteurs intellectuels.
  • Nécessite beaucoup de temps pour la résolution du cas.
  • Certains étudiants peuvent être déroutés pas cette méthode. Ils doivent être formés au préalable à cette démarche et encadrés pour que la collaboration soit efficace.

Pour l’enseignant

  • Requiert beaucoup de travail pour la rédaction d’un cas,  la planification de l’activité et l’animation des échanges dans les groupes d’étudiants.
  • Exige une grande implication et une certaine expertise.
  • Le cas doit être précisément adapté au niveau des apprenants, aux objectifs d’apprentissage, et la durée de l’activité doit être calculée avec justesse.
  • La posture de guide et d’animateur peut être difficile à adopter dans un premier temps.

 

G. Conditions d’efficacité

L’étude de cas peut être utilisée par l’enseignant lorsqu’il souhaite développer des capacités cognitives, métacognitives et collaboratives chez les apprenants. Elle permet à l’apprenant d’améliorer sa capacité d’analyse, de prendre conscience de ses croyances, valeurs et préjugés, de faire des liens entre théorie et pratique, d’améliorer sa capacité à travailler en équipe et d’appréhender la complexité des situations. Ménard (2015) suggère de mettre à l’essai le cas à petite échelle avant de déployer l’approche.

  • Créer des sous-groupes de 4-6 élèves.
  • Préparer soigneusement le cas et l’activité d’étude de cas.
  • Le cas présenté doit être concret, authentique et doté d’informations objectives, claires et réalistes.
  • Si les étudiants ne sont pas suffisamment préparés, l’enseignant peut leur demander de préparer un résumé du cas préalablement au cours.
  • Le niveau de difficulté de l’étude de cas doit être ajusté en fonction du moment où il est présenté et des connaissances préalablement acquises.
  • L’enseignant doit circuler dans les équipes pour voir la progression des discussions et animer la discussion de groupe.
  • Il doit assurer à la fin de l’exercice une rétroaction sur les apprentissages et faire le pont avec les concepts vus en classe.
  • Il n’y a pas une bonne réponse unique dans l’étude de cas, le processus importe tout autant que le résultat. Toute réponse est acceptable dans la mesure où elle est justifiée, découle d’une réflexion logique et comporte des éléments théoriques reliés au cours.

 

H. Possibilités d’utilisation des technologies de l’information

  • Courriel, forum de discussion :  pour la communication entre étudiants, mais aussi avec l’enseignant lors de la résolution de l’étude de cas.
  • Logiciels de messagerie instantanée, forums, réseaux sociaux et visioconférences : pour organiser des rencontres d'équipe à distance et communiquer.
    • Enregistrement vidéo ou audio :  une personne qui a vécu le cas peut le raconter par elle-même aux étudiants au moyen d’un enregistrement, donnant ainsi davantage d’authenticité à l’exercice.
    • Wikis, blogues et outils de travail collaboratifs (ex. : Google Docs) : pour réunir toutes les informations pertinentes au même endroit.
    • Recherche sur internet :  ressource incontournable à la fois pour les étudiants et les enseignants afin de chercher et de trouver de l’information pertinente pour l’élaboration de l’étude de cas ou sa résolution. Dans l’analyse de cas réels, des données sur l’entreprise étudiée peuvent bonifier la réflexion.
    • Logiciels 
      • Modélisation de concepts : les étudiants peuvent utiliser des logiciels tels CmapTools ou Inspiration pour modéliser les concepts ou les idées ressortis lors des discussions.
      • Tri et ordonnancement d’idées : un fichier Excel peut aider à classifier les composantes du cas ainsi que ses solutions.
      • Base de données : l'enseignant peut proposer une base de données des cas, laquelle recense des solutions proposées par des experts et est accessible pour consultation.
      • Sites internet spécialisés : des banques de cas sont disponibles dans certains domaines, notamment en gestion.

Références

Bédard, M. G. (2005). La méthode des cas : guide orienté vers le développement des compétences (2e éd.). Montréal : Gaëtan Morin.

Chamberland, G. (1995). 20 formules pédagogiques. Collection Formules pédagogiques. Sainte-Foy : Presses de l’Université du Québec.


Gibson, J.T. (1998). Discussion teaching through case methods. Education, 118(3), 345-348.


Golich, V. L. (2000). The ABCs of Case Teaching. International Studies Perspectives, 1(1), 11-29.

Guilbert, L. (1997). Étude de cas : Apprentissage par problèmes. Collection Formules pédagogiques. Sainte-Foy : Presses de l’Université du Québec

Legendre, M.-F. (1998). Pratique réflexive et études de cas : quelques enjeux à l’utilisation de la méthode des cas en formation des maîtres. Revue des sciences de l’éducation, 24 (2), 379-406.

Ménard, L. (2014). « La méthode des cas», dans Ménard, L. et L. Saint-Pierre (éd.), Se former à la pédagogie de l’enseignement supérieur, Association québécoise de pédagogie collégiale, 110-122.

Mucchielli, R. (s. d.). La méthode des cas : Connaissance du problème. Formation permanente en sciences humaines, ISSN 0768-2026 (8e éd.). Paris : Éditions ESF : Entreprise moderne d’édition : Librairies techniques.

Van Stappen, Y. (1989). Enseigner... apprendre, la méthode des cas. Pédagogie collégiale, 3, 16-18.

 

Résumés de quelques références pertinentes

Bédard, M. G. (2005). La méthode des cas : Guide orienté vers le développement des compétences (2e éd.). Montréal : Gaëtan Morin.
La méthode des cas est au cœur de ce livre, qui en donne l’historique et la définition. L’auteur y expose l’analyse de cas pour les étudiants, les étapes d’enseignement grâce à cette méthode, la construction et la rédaction des cas. Son objectif est d’encourager une grande utilisation de la méthode des cas.


Golich, V. L. (2000). The ABCs of case teaching. International Studies Perspectives, 1(1), 11-29.
Cet article est basé tant sur des recherches théoriques que sur l’expérience d’utilisation des études de cas dans une classe d’enseignants universitaires. L’auteur décrit ce qu’est l’étude de cas, qui peut s’en servir, et il veut rendre l’utilisation des méthodes des cas accessible à tous. Il démontre son efficacité et donne des pistes pour réaliser des études de cas.
Mots-clés : méthode des cas, discussion method, active learning

Van Stappen, Y. (1989). Enseigner... apprendre, La méthode des cas. Pédagogie collégiale, 3(2), 16-18.
L’auteure explique en profondeur la méthode des cas. Elle donne les détails des étapes à franchir du point de vue des étudiants et de l’enseignant. Elle insiste sur la valeur pédagogique de l’étude de cas tout en mentionnant les limites de cette méthode d’enseignement.
Mots-clés : méthode des cas, étudiants, enseignants, processus