Pédagogie par projet

A.    Autres appellations

Approche par projet, apprentissage par projet, enseignement par projet 

 

B.    Origine historique

La pédagogie par projet trouverait son origine à Rome au 16e siècle. Elle aurait été implantée à l’occasion d’un concours ouvert aux jeunes architectes romains, étudiants ou non. On leur avait demandé de concevoir une œuvre imaginaire, mais tout en respectant les étapes de réalisation d’une commande réelle (Leduc, 2014). Cette méthode fut importée d’Europe en Amérique à la fin du 19e siècle et utilisée dans le domaine de l’ingénierie. Pendant la première moitié du 20e siècle, ses bases théoriques furent renforcées par le courant constructiviste et elle se répandit dans les écoles secondaires. Elle est à présent utilisée dans différents champs disciplinaires et à divers ordres d’enseignement, du primaire à l’université.

 

C.   Description

Quelle que soit l’appellation de la méthode – apprentissage par projet, approche par projet, pédagogie du projet, enseignement par projet –, il est toujours question d'un modèle d’enseignement où le projet est l’élément fondamental et dans lequel sont mises en place des conditions favorables pour donner du sens aux apprentissages, pour engager cognitivement les apprenants à se questionner sur les ressources à développer et pour susciter la recherche de solutions (Lafortune, 2010). La pédagogie par projet implique un projet concret et est généralement destinée à un public plus large que la classe (Leduc, 2014). Il s’agit d’une approche fortement pédocentrée, c’est-à-dire une méthode où une large part de contrôle est laissée aux apprenants en ce qui concerne l’apprentissage, qui vise le transfert et l’intégration des connaissances. Une très grande liberté d’action caractérise cette formule, qui peut ainsi s’adapter aux champs d’intérêt divers des apprenants et se révéler particulièrement motivante.

L’apprentissage par projet consiste à proposer aux apprenants de réaliser un projet, seul ou en équipe, sous la supervision de l’enseignant. Cette approche suppose des conditions de réalisation les plus proches possible de la réalité professionnelle. L’activité se clôt obligatoirement par une réalisation concrète destinée à un public plus ou moins large. 

Utilité

L’apprentissage par projet permet d’acquérir des connaissances par l’expérience, ce qui lui donne du sens. Cette technique pédagogique est propice au développement de savoir-faire et de compétences, et donc de connaissances procédurales et conditionnelles. L’approche favorise le renforcement de l’autonomie des apprenants ainsi que de leurs habiletés de communication et de collaboration, d’autant plus que le projet est souvent un projet collectif. Au cours de la réalisation du projet, l’apprenant est amené à déterminer ce qu’il doit apprendre, à commettre des erreurs qui le feront progresser, à gérer les imprévus.    

Caractéristiques du projet

Le projet conduit nécessairement à une production présentée devant un public. Celui-ci peut être plus ou moins étendu, voire limité au seul enseignant. Le projet doit être bien dimensionné, de manière à être réalisable dans le temps disponible. Il doit également permettre d’atteindre les objectifs d’apprentissage. Le travail de planification du projet, réalisé en amont par l’enseignant, est donc primordial. L’enseignant peut rédiger un contrat d’apprentissage qui précise les objectifs et les conditions de réalisation afin de formaliser l’engagement des apprenants.

Déroulement de l’activité

Un projet s’articule selon les quatre ou cinq phases suivantes.

Phase no 1 : lancement du projet

L’enseignant présente le projet, les modalités et les règles de fonctionnement. Les équipes sont formées et les rôles sont éventuellement distribués. L’enseignant est plus ou moins directif à cette phase, selon ses intentions pédagogiques et l’autonomie des apprenants.

Phase no  2 : réalisation du projet

Les apprenants décident de la direction à prendre, planifient leurs actions, recherchent les informations dont ils ont besoin. Cette phase peut être plus ou moins longue. Des rencontres régulières avec l’enseignant doivent être programmées afin de valider la fiabilité des informations collectées et de discuter des solutions envisagées.

Phase no 3 : production finale

Les équipes réalisent le produit fini, qui sera présenté au public.  Cela peut être un objet, une maquette, un plan, etc.

Phase no 4 : présentation et évaluation

Le produit fini doit répondre au cahier des charges. De plus, les apprenants doivent démontrer, en présentant leur production, qu’ils ont compris les notions à acquérir. Ce n’est pas uniquement le résultat qui est évalué à cette phase, mais ce sont aussi, et surtout, les compétences mises en œuvre, leur transférabilité à une situation professionnelle réelle et la démarche dans sa globalité. L’évaluation peut être collective ou individuelle, et peut porter également sur le degré d’engagement et de collaboration dans le projet et l’équipe. Une dimension réflexive est aussi souvent objet d’évaluation.

Phase no 5 : retour métacognitif et retour sur le fonctionnement de l’équipe

Plusieurs jugent utile d’ajouter une phase de rétroaction. C’est là l’occasion de faire un retour sur le fonctionnement de l’équipe, d’une part, mais aussi sur les stratégies qui ont été déployées par les uns et les autres lors des différentes étapes du projet, d’autre part.  Un retour en grand groupe peut aussi être effectué.  

 

D.   Explication des liens avec les théories de l'apprentissage

L’apprentissage par projet s’inscrit dans le courant constructiviste et socioconstructiviste. Les savoirs se construisent au fur et à mesure de l’avancement du projet. L’apprenant met en lien ses connaissances antérieures et ses nouvelles acquisitions. Il confronte ses idées avec celles de ses pairs, et éventuellement, avec celles du public à qui la réalisation est destinée. La mise en pratique, l’expérimentation et la méthode d’essais et erreurs sont également très présentes dans cette méthode.   

 

E.    Possibilités d’utilisation des TIC

  •  L’élaboration d’un projet demande un nombre important d’informations et, dans ce sens, Internet peut s’avérer un outil des plus utiles.
  • Internet rend possibles la recherche et la collecte de données « indispensables à la réalisation des projets » (p. 37).  Ainsi, le temps consacré à la recherche est plus stimulant parce que plus productif.  Avec les outils de communication, il est facile de rejoindre les personnes-ressources par courrier électronique. Les logiciels de présentation (ex. : Powerpoint) peuvent aussi servir à la communication de la réalisation. 
  • Le traitement de texte favorise la production de travaux soignés.
  • Les tableurs (Excel ou Google Sheet) servent à utiliser des graphiques, des tableaux et des statistiques pour effectuer des calculs et des analyses.
  • Les bases de données  permettent de recueillir les informations, de les structurer, de les analyser et de les synthétiser. 
  • Les logiciels de création d’infographie servent àconcevoir et à créer des dessins et des diagrammes.
  • Le projet étant, dans son essence, collaboratif, les outils collaboratifs de création de documents (Google Docs, wiki), de tableurs (Google Sheet), de cartes conceptuelles (Lucid chart) sont particulièrement appropriés.
 

F.    Avantages et limites de cette méthode

 Avantages

  • S’adapte à tous les ordres d’enseignement.
  • Développe la créativité.
  • Favorise la motivation et l’engagement des apprenants par son caractère authentique et par la production publique.
  • Responsabilise les apprenants et les accompagne vers l’autonomie.
  • Se centre sur la tâche et sur l’apprentissage.
  • Facilite l’acquisition de compétences transférables.
  • Augmente les habiletés communicationnelles et collaboratives.

 

Limites

  • Comporte le risque de se lancer dans des projets trop ou pas assez ambitieux.
  • On peut faire l’erreur de mettre l’accent sur le produit fini au détriment du processus.
  • Possibilité de manquer de temps pour terminer le projet.
  • Peut engendrer des difficultés techniques.
  • Divergences possibles entre les membres de l’équipe.
  • Entraîne des défis reliés à l’évaluation sommative.
  • Peut provoquer une démotivation en cours de route si le projet est trop difficile ou demande trop d’investissement pour peu de résultats.

 

G.    Conditions d'efficacité de cette méthode

L’enseignant doit mettre en place des conditions d’apprentissage favorables :

  • Définir des objectifs réalistes.
  • Communiquer clairement ce qui est attendu et les règles de fonctionnement.
  • Fournir en encadrement approprié tout au long de la réalisation du projet.
  • Organiser les ressources et s’adapter au degré d’autonomie des apprenant.
  • Planifier la réalisation du projet de manière à s’adapter aux imprévus.
  • Animer les équipes en laissant suffisamment de liberté – dans un cadre adapté, stimuler, motiver, accompagner, et effectuer des rétroactions régulières.
  • S’assurer que chacun participe et apprend (identifier et évaluer les contributions individuelles).
  • Prévoir un mécanisme de gestion des conflits dans les équipes.
  • Évaluer non seulement le produit, mais aussi le processus, le volet travail d’équipe et un volet réflexif.

 

 

Références

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